"Les Jeux dans leurs yeux" avec l'épéiste Neisser Loyola : "J'ai l'escrime dans le sang"
Source: DH.be
Author: Guy Beauclercq
Esch-sur-Alzette. Il est près de 17 heures quand Neisser Loyola gare sa voiture non loin du "Centre Escrime Sud". Pressé d'en sortir, Teylor (3 ans) est trop heureux d'accompagner son père, à peine rentré de Cali, en Colombie, où il disputait un Grand Prix. "Je mange un bout et je suis à vous. Avec le décalage horaire, il n'y a pas longtemps que je suis levé..." lance notre sélectionné olympique à l'épée.
À l'intérieur du bâtiment, Neisser rejoint son père, Nelson (55 ans), médaillé de bronze par équipes, en 2000, aux Jeux de Sydney avec Cuba. Celui-ci se prépare à donner l'entraînement à de jeunes pousses qui se répartiront sur les quatre pistes, divisibles par deux, d'une salle éclairée par quelques rayons de soleil.
Pour le fils prodige, la séance sera allégée vu l'agenda, entre deux compétitions (Cali et Paris) et, surtout, dans la perspective des JO. Car Neisser a réalisé son rêve le plus cher, celui de se qualifier pour les Jeux de Paris, 24 ans après Nelson, celui qui l'a inspiré, initié, entraîné. Chez les Loyola, l'escrime est une affaire de famille.
Né à Cuba, Neisser a commencé à l'âge de 10 ans, avant d'arriver en Belgique, dans la foulée de son père et de son oncle.
"Mon père fut entraîneur de l'équipe nationale belge. Travaillant aussi au Luxembourg, nous nous sommes installés à Arlon, où j'ai effectué mes études. Aujourd'hui, j'habite Virton. Par facilité parce que je m'entraîne souvent à Esch et à Thionville, quand je ne suis pas en stage en France ou en Italie. C'est important pour disposer de partenaires d'entraînement de haut niveau, même si j'avoue que les allers-retours me pèsent parfois. Je passe plus de la moitié de l'année à l'étranger. Alors, dès que je peux revenir auprès de ma petite famille, mon épouse Ksenia et mon fils Teylor, je rentre. Ils contribuent à mon équilibre. Surtout, ils sont une source de motivation. Tous deux donnent un sens à ma vie."
Neisser a déjà été médaillé de bronze au Mondial. C'était en 2022, au Caire. Mais aussi médaillé d'argent en Grand Prix (en 2023, à Doha) et en Coupe du monde (en 2024, à Tbilissi). De quoi justifier la confiance que lui a accordée l'Armée belge quand, en 2019, il a obtenu un contrat comme sportif de haut niveau.
"Je suis militaire depuis cinq ans déjà grâce à mes résultats en juniors, une cinquième place à l'Euro et au Mondial. La proposition m'intéressait parce que j'apprécie l'esprit d'équipe et la vie militaire, tout simplement. Dès que je suis rentré, ça m'a plu et, maintenant, je suis fier de porter les couleurs belges. Je pense que l'Armée correspond à ma personnalité. Bien sûr, il y a des critères de sélection pour entrer et d'évaluation pour continuer, mais je les ai remplis. L'Armée m'a beaucoup soutenu dans ma quête de qualification olympique qui, en escrime, n'était vraiment pas facile parce que le niveau européen est particulièrement relevé avec, notamment, la France, l'Italie et la Hongrie."
Toujours en quête de perfection, notre meilleur escrimeur actuel ne peut compter que sur lui-même et son entourage proche. Depuis un an, la Belgique ne compte désormais plus d'équipe dans son arme, l'épée, comme il en existe une, en fleuret.
"Je pense que c'est une question de mentalité, de motivation et, finalement, de projet. Il y a les grandes nations comme la France ou l'Italie, mais aussi les petites comme la Suisse. Chez nous, les jeunes arrêtent souvent pour leurs études."
Or la qualification olympique passait d'abord par l'équipe avec les quatre premiers pays au classement mondial qualifiés d'office, ce qui leur permet d'aligner trois tireurs en individuel. Ensuite, la meilleure nation de chaque continent. Et, enfin, dans un classement individuel "nettoyé", les deux premiers tireurs par continent.
Et Neisser Loyola est l'un d'eux.
À 25 ans, entre rêve et réalité, Neisser a tout mis en œuvre pour marcher dans les pas de son père en escrime, un sport méconnu, mais exigeant car, à la fois, physique, mental et tactique.